Les différents types des fautes en droit social
Introduction
L’agissement fautif est susceptible de présenter des degrés de gravité auxquelles correspondent des régimes distincts, seule une faute suffisamment grave peut justifier le renvoi du salarié sans aucune indemnité, à la différence de la faute légère, qui ne peut faire l’objet, que d’une mesure disciplinaire en respect des dispositions de l’article 37 de C. Trav.
A-La faute légère
A l’instar de son homologue français, le législateur marocain n’a pas donné de définition de la faute légère, son existence est déduite des dispositions législatives et des qualifications apportées par la jurisprudence, ainsi, la faute légère peut être considérée comme une erreur sans grande importance, eu égard à ses conséquences insignifiantes, néanmoins, elle peut faire l’objet d’une faible sanction conformément à la proportionnalité édictée par l’article 37 du C. Trav.
De manière générale, la faute légère peut être définit, comme étant un agissement qui n’entraine pas de conséquences suffisamment graves susceptibles d’impacter la bonne marche de l’entreprise ou de lui causer un préjudice.
A cet égard, le juge apprécie la faute selon sa nature, telle qu’elle est prévue par la loi, ou selon les circonstances propres à la commission de cette faute, c’est le cas notamment, lorsqu’une tolérance règne dans l’entreprise ou lorsque la spécificité de l’activité accorde une certaine marge d’erreur, c’est dans ce sens, que la Cour suprême dans son arrêt du 7 mai 1984 avait considéré l’erreur commise par une caissier comme une faute légère. [1] Par ailleurs, l’ancienneté du salarié est un élément important dans la qualification de la faute comme étant légère. [2]
Ainsi, la distinction entre la faute légère et la faute grave semble évidente et ne soulève, en principe, aucun problème quant à son appréciation, il n’en est pas de même, lorsqu’il s’agit de la faute lourde ou encore la faute sérieuse telle qu’édictée par législation française.
[1] Arrêt n°378 de la cour suprême du 7 mai 1984, Doss. Soc 98- 121, inédit
[2] Arrêt n° 663 Ch. Soc du 15 octobre 1984, Doss 95/052, inédit
B- La faute sérieuse
La faute sérieuse n’a pas d’existence dans la législation de travail marocaine, il s’agit d’une gravité moindre que celle de la faute grave, elle peut être définie comme « tout manquement sérieux du salarié pour comportement qui suppose son état de subordination »,[1] en outre, et comme la faute grave, elle rend impossible la continuité de la relation de travail, mais sans pour autant nécessiter une rupture immédiate.
La jurisprudence a admis que la faute sérieuse et une catégorie de fautes, intermédiaire entre la faute simple et la faute grave justifiant le licenciement du salarié sans le priver de son droit au préavis et aux indemnités. [2]
Dans la même logique et poursuivant son travail de clarification, la Cour de cassation dans son rapport annuel a souligné que « l’employeur ne peut pas rompre le contrat de travail que pour une cause réelle et sérieuse une distinction très nette entre faute simple (qui peut justifier une sanction) faute sérieuse ( qui justifie le licenciement) faute grave ( qui entraîne la perte des indemnités de rupture) et faute lourde (qui fait perdre le droit aux congés payés et qui permet d’engager la responsabilité du salarié) ; était donc indispensable » [3]
Ainsi, on peut considérer que la faute sérieuse, apporte une flexibilité, qui tend à réaliser un certain équilibre entre les parties au contrat, en accordant à l’employeur le droit de licenciement, mais sans perte d’indemnités pour le salarié, conciliant ainsi, le souci de protection du salarié, à celui de la garantie du bon fonctionnement de l’entreprise.
[1] SAINT-JOURS. Y, « la faute en droit du travail : L’échelle et l’escabeau » D. 1990.p 115
[2] Cour de cassation, chambre sociale, du 10 juin 1976, 75-40.272, Publié au bulletin des arrêts Cour de cassation Chambre sociale N. 358 P. 296
[3] Rapport publié par la documentation française p 201
C- La faute lourde
Comme pour la faute grave, la faute lourde, rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son licenciement, elle est caractérisée par un degré de gravité plus important, il s’agit d’une faute particulièrement inexcusable et généralement détachable de l’exercice professionnel. [1]
La faute lourde prive le salarié du droit au préavis et aux indemnités de licenciement, ainsi qu’à toute autre indemnité légale ou conventionnelle, ou d’indemnités de congés payés, toutefois, il a été décidé par le conseil constitutionnel, que l’indemnité de congés payés est versée au salarié même lorsque la faute est qualifiée de lourde. [2]
Par ailleurs, la faute lourde, peut éventuellement entrainer une condamnation du salarié à verser des dommages et intérêt à l’employeur s’il s’avère qu’il a subi un préjudice,[3] à cet égard, l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise, est un élément important dans la qualification de la faute lourde,[4] et de sa distinction de la faute grave.
Néanmoins, la qualification de la faute en fonction de son degré de gravité, trouve tout son sens dans le cadre de sa distinction des autres fautes qui peuvent justifier la rupture du contrat de travail, sans pour autant, priver le salarié de son droit aux indemnités, comme les motifs relevant de l’insuffisance professionnelle et de l’incompétence du salarié, qui ne peuvent justifier un licenciement privatif du droit aux indemnités,[5] c’est le cas également, sous une autre formalité, des licenciements pour motifs économiques.
Cependant, nous considérons que l’intérêt majeur que revêt le degré de gravité de la faute, se manifeste à travers sa distinction de la faute légère et particulièrement de la faute sérieuse édictée par la législation française, qui autorise à l’employeur le droit de congédier le salarié, tout en lui imposant le versement des indemnités.
[1] LEGOFF. J, « Droit du travail et société », tome 1, Presse Universitaires de Rennes 2001, Laval p 835
[2] Le conseil constitutionnel a jugé en 2016, que licenciement pour faute lourde ne doit plus être privatif de l’indemnité compensatrice de congés payés qu’il a acquis et dont il n’a pas bénéficié pour la période de référence en cours (Cons. const. QPC, 2 mars 2016, no 2015-523).
[3] Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 septembre 2012, 10-21.289, Inédit
[4] Cour de cassation, Chambre sociale, du 25 avril 1990, 87-44.069, Publié au bulletin 1990 V N° 189 p. 115
[5] Cour de cassation, Chambre sociale, 19 juin 2002, no 00-43.602
Conclusion
En effet, si les éléments de distinction de la faute grave, de celle plus légère, semblent évidents, il n’en est pas de même s’agissant de la faute sérieuse dans laquelle la gravité de la faute est reconnue, mais pas à un degré suffisant qui justifierait un licenciement sans indemnités, c’est à cette fragilité de la frontière entre ces deux types de faute, que les juges ont essayé d’apporter une réponse à travers leurs décision d’admettre la faute sérieuse plutôt que la faute grave comme dans l’arrêt de la Cour de cassation en 2005, prenant en considération des éléments de contexte que nous aurons l’occasion d’expliciter lors de notre analyse du contrôle judiciaire de la qualification des faits.